Ces Français d’Écosse partis à cause du virus

Aberdeen, Édimbourg, l’île de Skye, Glasgow… De nombreux Français, souvent étudiants, ont déserté l’Écosse à l’annonce du confinement. Parfois munis d’un billet sans retour.

De nombreux Français sont partis en sachant qu’ils ne reviendraient pas. Photo by Max Hermansson on Unsplash

Combien sont-ils à avoir quitté l’Écosse fin mars ? Impossible à évaluer. Une chose est sûre cependant, ils sont nombreux à avoir plié bagage, parfois à la suite d’un licenciement brutal ou bien parce que craignant de passer un confinement isolé à l’étranger. Ce dernier constat est particulièrement vrai chez les étudiants, dont beaucoup ont préféré retourner définitivement chez leurs parents après la fermeture des universités.

C’est le cas d’Agathe Kervella, une étudiante en lettres de 20 ans, arrivée en janvier à Édimbourg dans le cadre de son programme ERASMUS. « Mon semestre devait durer cinq mois mais je suis finalement partie trois mois plus tôt à cause du coronavirus ». Redoutant d’être coincée plusieurs mois dans le pays loin de ses amis et de sa famille, Agathe a fini par faire ses bagages la mort dans l’âme : « Ce départ a été vraiment difficile parce que j’ai vraiment adoré Édimbourg et l’Écosse en général, mais je me sentais plus en sécurité auprès des miens ».

inquiétude face au manque de mesures

Même chose pour Léa Brot, une étudiante de 21 ans en 3ième année de Langues Étrangères Appliquées. Arrivée en août 2019 à l’Université de Paisley, au sud-ouest de Glasgow, la jeune femme a dû écourter en urgence son séjour ERASMUS. « Le manque de mesures sanitaires en Écosse concernant le COVID19 étant totalement aberrant, j’ai préféré me mettre en quarantaine en France plutôt que d’être exposée plus longtemps à ce virus », raconte-t-elle.                                                                    

Pourtant, Léa reconnait n’avoir pas pris tout de suite la mesure de la gravité de la situation. La faute, d’après elle, à la désinvolture de Boris Johnson : « Le Royaume-Uni s’est cru au-dessus de ce virus meurtrier et le manque de mesures prises nous a fait croire que nous étions en sécurité ». La preuve, dix jours avant son départ, Léa se souvient s’être rendue en boîte de nuit. Mais très vite, la réalité reprend ses droits : « Lorsque mes parents m’ont mise devant le fait accompli et m’ont réservé mon billet d’avion pour me rapatrier d’urgence, j’ai pris une énorme claque et j’ai immédiatement compris à quel point l’heure était grave ».

Mais l’addition est salée, à tout point de vue : « J’ai dû dépenser près de 700 euros pour mon billet d’avion. Ma famille n’avait absolument pas les moyens de me payer cela. Toutes mes économies y sont passées… ». Arrivée en France, la situation n’est pas rose non plus : « J’ai dû retourner vivre chez mes parents. Pas facile du tout après plusieurs mois d’indépendance et de vie Erasmus ».

DES FRANÇAIS COINCÉS EN FRANCE

Comme elle, Elisabeth Rébeillé-Borgella, 22 ans, doctorante à l’université d’Édimbourg, est aussi repartie sur l’insistance de ses proches. « Mon père est généraliste et ma sœur médecin au CHU de Grenoble. Ils m’ont tous deux conseillée de rentrer pour ne pas être seule pendant le confinement qui se profilait en France et très sûrement en Écosse. Ils ne voulaient pas me laisser seule dans mon petit appartement pour vivre ça, dans la mesure où la crise allait prendre de l’ampleur dans toute l’Europe ». La jeune femme, arrivée en septembre 2018 pour écrire sa thèse en histoire moderne, a donc fait ses valises, le temps que les choses se calment. Aujourd’hui, cela fait déjà plus de deux mois que cette dernière vit chez sa mère. Une situation qui risque malheureusement de durer encore longtemps. « Je pense rentrer en Écosse quand la phase 3 du déconfinement sera enclenchée car c’est celle qui me concerne le plus avec la réouverture des bibliothèques notamment ». Soit potentiellement pas avant août prochain…

Elodie Arnould, 24 ans, est, elle aussi, suspendue aux décisions du gouvernement écossais. Cette étudiante est arrivée à Aberdeen en août 2018 pour commencer des études en management événementiel à la Robert Gordon University. À l’annonce du confinement, Elodie a quitté l’Écosse à la demande de ses parents inquiets mais aussi pour éviter de se retrouver dans une résidence universitaire déserte. Deux mois plus tard, Elodie aimerait pouvoir rentrer chez elle en Écosse. Problème, son retour est conditionné par la réouverture du cinéma pour lequel elle travaille : « Je n’ai pas assez d’économies pour me trouver un appartement sur place et attendre que l’établissement réouvre. Je reste donc chez mes parents pour l’instant ».

Beaucoup sont, comme elle, coincés en France parce qu’ayant perdu leur emploi en Écosse. Comme Julia Dupont, une jeune femme de 24 ans travaillant dans le secteur du tourisme. Arrivée dans le pays en février 2019, cette dernière avait débuté comme serveuse dans un restaurant français à Dundee avant de travailler dans une agence de voyage puis enfin comme administratrice dans des hôtels de luxe. Quelques jours avant que le confinement ne soit annoncé, la jeune femme était sur le point de démarrer l’emploi de ses rêves : « J’ai eu une proposition de poste dans un hôtel sur l’île de Skye en tant qu’assistante générale, avec possibilité d’évolution à la fin de l’année. J’étais vraiment très emballée, je suis une grande fan de nature et de balades. Et puis, il n’y avait pas de francophones dans l’équipe et l’hôtel travaille avec l’économie locale, dans le respect de l’environnement ». Malheureusement, tout s’effondre en mars et Julia, se trouvant sans travail, retourne en France. Mais l’Écosse ne la quitte pas : « J’attends de voir si l’hôtel va réouvrir avec des effectifs maintenus… » explique t-elle.

UN ALLER SANS RETOUR

Quant à Sonia Gastaud, elle a décidé qu’elle ne reviendrait pas. À 27 ans, cela faisait déjà deux ans que cette dernière vivait en Écosse, écumant des petits boulots mal payés, exploitée par des patrons avides qui méprisent leurs employés. Son dernier emploi en date, serveuse dans un restaurant d’Édimbourg, promettait cependant des jours meilleurs. « Nous étions en sous-effectif depuis des mois et ils venaient enfin d’embaucher du personnel », raconte-t-elle. Mais le confinement s’imposant, leur patron annonce que les employés ayant moins de deux ans d’ancienneté seront licenciés. Sonia, qui ne travaille là-bas que depuis un an, perd ainsi son emploi. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. En mars, cette dernière me confiait, amère : « Ce ne sera pas un crève-cœur de partir. J’ai un Master en 2 en Business et management, je pense pouvoir trouver mieux que serveuse ».

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